Lettre ouverte de la société civile aux ministres sur les négociations de l’OMC sur les subventions à la pêche

Juin 1, 2022

De site web de PANS https://pang.org.fj/wp-content/uploads/2021/01/French-CSO-Open-Letter-to-Ministers-on-WTO-Fisheries-Subsidies-Negotiations.pdf

En juin 2022, lorsque les ministres de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) se réuniront, la pression
et les attentes seront très fortes quant à l’issue des négociations sur les subventions à la pêche. La réunion
ministérielle (MC12) se déroule à un moment critique de la géopolitique mondiale, du changement
climatique, de la pandémie de COVID19 et de la reprise économique. Pourtant, le projet de texte actuel des
négociations n’apporte aucun appui aux stocks de poissons, à la conservation marine ou au développement.
Il est largement reconnu que les stocks de poissons mondiaux luttent pour leur pérennité. Selon
l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), près de 60 % des stocks évalués
sont pleinement exploités et 34 % sont exploités à des niveaux non durables. Les niveaux mondiaux de
subventions au secteur de la pêche ont été estimés à 34 milliards de dollars. Si les subventions contribuent à
la surexploitation des stocks, le problème varie en fonction de l’ampleur et de la portée de la pêche
subventionnée et des bénéficiaires.
Les négociations sur les subventions à la pêche au sein de l’OMC ont été relancées à partir du mandat de
l’Objectif de Développement Durable 14.6 qui vise à « interdire certaines formes de subventions à la pêche
qui contribuent à la surcapacité et à la surpêche, et éliminer les subventions qui contribuent à la pêche INN,
et s’abstenir d’introduire de nouvelles subventions de ce type, en reconnaissant qu’un traitement spécial et
différencié (TSD) approprié et effectif pour les pays en développement et les pays les moins avancés devrait
faire partie intégrante de la négociation de l’OMC sur les subventions à la pêche ».
Malgré cela, les négociations sont sur la voie de l’échec du mandat.
Les principaux responsables ne sont pas tenus de rendre des comptes
De nombreux accords mondiaux sur l’environnement suivent le principe de la responsabilité commune mais
différenciée, ce qui signifie que les personnes les plus responsables du problème prennent les mesures les
plus importantes pour y remédier. Le texte actuel de la présidence ne reconnaît pas la responsabilité
historique de l’état des stocks mondiaux de poissons et de la surpêche. Les décennies de subventions
accordées par les nations et les flottes de pêche industrielle ne sont pas prises en compte dans la formulation
des interdictions, ce qui aboutit à un texte qui ne cible pas les responsables d’une surpêche durable et qui ont
renforcé les capacités de leur flotte, ni la richesse accumulée aux dépens des stocks de poissons et des
détenteurs de ressources des pays en développement. Les flottes de pêche lointaines sont souvent les mêmes
que celles qui ont pratiqué la surpêche dans leurs eaux et qui ont la plus grande capacité de pêche, mais elles
ne sont pas spécifiquement visées par le texte.
Les négociations doivent cibler ceux qui ont la responsabilité historique de la surpêche, y compris les flottes
de pêche lointaine.
Les pêcheurs à petite échelle victimes de l’accord
Les pêcheurs à petite échelle font partie des communautés les plus vulnérables du secteur de la pêche. Ils
dépendent des subventions gouvernementales pour survivre et sont les moins responsables de l’état global
des stocks de poissons. Les propositions actuelles relatives aux pêcheurs à petite échelle prévoient une
dérogation aux interdictions du texte pour les pêcheurs qui répondent aux critères cumulatifs de « faible
revenu, pauvreté des ressources et pêche de subsistance » dans la zone de 12 milles nautiques des côtes. Pour
la pêche INN et les stocks surexploités, même cette exemption limitée n’est offerte que pour deux ans.
Cette définition est conçue pour n’être utile qu’à un sousensemble de pêcheurs à petite échelle. Les accords
précédents de l’OMC (Accord sur l’agriculture) ont permis d’élargir les exemptions pour les travailleurs
artisanaux (faibles revenus ou ressources pauvres) mais cela n’a pas été étendu aux pêcheurs. En outre, de
nombreux pêcheurs artisanaux vont audelà de la zone des 12 milles marins pour suivre la pêche saisonnière
ou pêcher dans les eaux des archipels. Le délai de deux ans est également insuffisant pour permettre à de
nombreux pays en développement de mettre en place les réformes législatives, réglementaires et
infrastructurelles nécessaires. Si ces réformes ne sont pas adoptées, les programmes de subventions dont
dépendent de nombreux pêcheurs artisanaux peuvent violer les engagements de l’OMC et être contestés par
d’autres membres.

Les pêcheurs qui ne répondent pas à la définition restrictive de la pêche seront concernés par les interdictions
de subventions incluses dans tout accord sur les subventions à la pêche. Cela se produira également à un
moment où les prix des denrées alimentaires et des carburants augmentent, ce qui accroît le coût de la vie et
le coût de la pêche pour les pêcheurs et les travailleurs associés qui sont déjà dans des conditions précaires.
Ce n’est pas le moment de réduire les subventions aux petits pêcheurs et aux activités liées à la pêche.
Les pêcheurs à petite échelle doivent être exclus de façon permanente de toute interdiction prévue par
l’accord.
Des flexibilités inadéquates
Le mandat de l’ODD 14.6 demande que le traitement spécial et différencié soit « approprié et efficace », mais
cela ne se reflète pas dans le texte actuel du président.
Outre des flexibilités très strictes uniquement pour la pêche à petite échelle, comme décrit cidessus, les
flexibilités proposées pour les pays en développement dans la composante « surpêche et surcapacité » des
interdictions compromettront les perspectives de développement des pays en développement. Lors d’une
réunion spéciale de l’OMC sur la pêche en juin 2021, au moins quatrevingtun pays en développement ont
déclaré que les dispositions relatives au traitement spécial et différencié qui concernaient la pêche artisanale
dans les eaux territoriales étaient insuffisantes. Au lieu de cela, il a été souligné que toute flexibilité pour les
pays en développement ne devrait pas seulement être limitée aux pêcheurs artisanaux dans les 12 milles
nautiques, mais être permanente comme les autres flexibilités pour les mesures de durabilité. Le texte actuel
n’offre qu’une dérogation temporaire pour la zone économique exclusive d’un membre, mais les flexibilités à
long terme sont liées à un critère de seuil de 0,7 % des captures marines sauvages mondiales ou pour la
pêche à faible revenu et à ressources pauvres et de subsistance dans les 12 milles nautiques.
Il est essentiel que les pays en développement puissent accéder aux flexibilités prévues à condition qu’ils
respectent les exigences de notification établies, qui vont audelà des exigences de l’accord de subvention
existant. Cela punira les pays en développement qui ont déjà du mal à respecter leurs exigences de
notification, même s’ils ne contribuent pas à la surpêche mondiale.
Les pays en développement doivent maintenir une exemption permanente pour la pêche dans leurs propres
eaux souveraines.
L’OMC se prononcera sur les mesures de gestion de la pêche
Selon le texte du président, les subventions interdites aux stocks surexploités et celles qui contribuent à la
surpêche et à la surcapacité sont autorisées à se poursuivre s’il est démontré que des mesures de durabilité
sont en place. L’OMC, qui n’a pourtant aucune compétence en la matière, deviendra ainsi un organe capable
de déterminer si les mesures de conservation et de gestion des stocks de poissons d’un pays sont appropriées
ou non. Il s’agit également d’un cas de traitement spécial et différencié inversé offrant une clause
échappatoire principalement aux pays développés.
L’obligation pour les membres de rendre compte des mesures de gestion qu’ils ont mises en place permettra
aux autres membres de les contester s’ils estiment qu’elles ne sont pas suffisantes ou qu’elles représentent une
menace commerciale potentielle. Il existe de nombreux exemples de pays développés qui contestent
unilatéralement les mesures de gestion d’autres pays, limitant l’accès au marché s’ils estiment qu’elles ne sont
pas conformes aux normes. Cela profite souvent aux flottes de ces mêmes pays développés qui peuvent déjà
respecter ces normes.
L’accord vise à traiter les subventions, et non les mesures de gestion des membres. Il existe d’autres forums
plus appropriés qui disposent déjà de procédures de règlement des différends pour traiter les problèmes qui
se posent en matière de gestion et aider les pays à les améliorer. Cela va audelà du mandat de l’accord et
nuira très probablement aux mesures de conservation des membres, sapant ainsi la gestion des stocks de
poissons.
L’OMC ne doit pas pouvoir interférer avec les mesures de conservation et de gestion d’un membre en rendant
des décisions défavorables à son égard. Les organisations régionales de gestion des pêches sont mieux
placées pour résoudre les problèmes de conservation et de gestion des stocks.

Saper la Convention des Nations unies sur le droit de la mer
La Convention des Nations unies sur le droit de la mer est un traité international qui confère aux pays des
obligations et des droits relatifs aux ressources naturelles vivantes (y compris les poissons) dans leur zone
économique exclusive (ZEE), c’estàdire la zone de 200 milles nautiques à partir du littoral. Ce traité donne
aux pays le droit de gérer et d’exploiter ces ressources ainsi que l’obligation de s’assurer qu’elles sont gérées
de manière durable.
Le texte actuel de la présidence empiète sur les droits souverains des pays à gérer et exploiter leurs
ressources halieutiques en leur demandant de communiquer les mesures de gestion à l’OMC en vue d’une
éventuelle contestation et en limitant leur capacité à soutenir les flottes de pêche nationales. L’OMC va saper
les traités internationaux existants sur les océans et donc affaiblir les capacités des pays en développement à
gérer les stocks de poissons et empêcher les flottes de pêche lointaines d’accéder aux stocks de poissons.
Les traités internationaux existants ne doivent pas être affaiblis par l’accord de l’OMC et doivent au
contraire garantir que les droits des membres déjà établis dans le cadre de la CNUDM ne sont pas annulés
par l’OMC qui détermine les actions au sein de la ZEE d’un membre.
Un accord déséquilibré qui récompense les capacités
Dans sa forme actuelle, le texte sera surtout utile aux pays, pour la plupart développés, qui ont déjà la
capacité de subventionner leurs flottes et de gérer leurs stocks de poissons. La gestion et la mesure des stocks
de poissons sont d’un coût prohibitif pour de nombreux pays en développement, ce qui rend plus difficile
pour eux la gestion de tous leurs stocks de poissons ainsi que la présentation de rapports à l’OMC afin de
bénéficier des flexibilités prévues par le texte. La capacité à subventionner les flottes de pêche dépend
également des capacités financières à pouvoir se permettre de dépenser cet argent.
Comme l’indique le South Centre, sur la base de la conformité actuelle avec les notifications de l’accord sur
les subventions de l’OMC, seuls 55 membres (en prenant l’UE comme membre unique) s’y conformeraient. A
cela s’ajoute le fait qu’environ 80 pays en développement n’ont pas effectué la notification requise d’ici le
début de l’année 2021, ce qui, si cela est étendu au texte sur la pêche, les rendrait inéligibles à toute flexibilité
ou traitement spécial et différencié.
Punir ceux qui ont le moins de capacité à gérer, subventionner ou notifier ne répond pas à la gravité de l’état
des stocks mondiaux de poissons, mais punit plutôt les moins responsables. Proposer uniquement un fonds
volontaire pour le renforcement des capacités et l’assistance technique laisse les pays en développement avec
le fardeau des obligations mais sans soutien engagé. Ce n’est pas ce que les dirigeants envisageaient lors de
l’adoption de l’ODD14.6.
Le fait de subordonner les flexibilités pour les pays en développement à des obligations de notification ne
répond pas aux objectifs du mandat et ne fait que punir ces pays ; en tant que tel, il devrait être supprimé du
texte. Les pays développés doivent fournir un financement complet pour le renforcement des capacités et
l’assistance technique.
Enfin, le processus de ces négociations doit être démocratique, inclusif et participatif. Nous n’avons vu
aucune tentative d’impliquer les groupes de petits pêcheurs dans ces discussions. En outre, il doit donner aux
pays en développement et aux PMA suffisamment d’occasions de participer et d’exprimer leurs opinions
jusqu’à la fin, et les consultations de type green room sont en contradiction avec l’approche souhaitée.
Nous demandons aux ministres de s’assurer que tout résultat des négociations sur les subventions à la pêche
cible ceux qui ont la plus grande responsabilité historique dans la surpêche et l’épuisement des stocks, exclut
tous les petits pêcheurs de toute interdiction de subvention, empêche l’OMC de statuer sur la validité des
mesures de conservation et de gestion des membres, et maintient les droits souverains des pays en vertu de la
CNUDM.
Approuvé par:
Mondiale:
1. Campaign of Campaigns
2. Communaute de Nourriture Slow Food Tanganyika

3. DAWN (Development Alternatives with Women for a New Era)
4. Indigenous Peoples Global Forum for Sustainable Development
5. Schola Campesina APS
6. Sisters of Charity Federation
7. Society for International Development
8. Third World Network
9. Transnational Institute
10. World Forum of Fish Harvesters and Fish Workers ( WFF)
11. World Public Health Nutrition Association
Régionale:
1. African Centre for Biodiversity
2. Asia Pacific Network of Environment Defenders
3. Asociación Mujeres Emprendedoras de Alta Verapaz
4. Association For Promotion Sustainable Development
5. Alliance for Food Sovereignty in Africa (AFSA)
6. Confederation of Traditional Herders Organizations in Africa (CORET)
7. EASTAFISH ( EAST AFRICA OF FISHERIES)
8. FishNet Alliance
9. Focus on the Global South
10. Health of the Mother Earth Foundation
11. ICENECDEVInternational Centre for Environmental Education and Community
Development
12. Mer Conseils
13. Nadi Ghati Morcha
14. Pacific Conference of Churches
15. Pacific Islands Association of Non Governmental Organisations
16. Pacific Network on Globalisation
17. Southeast Asia Regional Initiatives for Community Empowerment
18. Spire
19. Wahana Lingkungan Hidup Indonesia (WALHI)
Locale:
1. AbibiNsroma Foundation
2. All Bangla Fishermen’s Association (ABFMA)
3. Anne’s Christian Community Health School and Nursing Services
4. APAC
5. Association of Proper Internet Governance (Switzerland)
6. Association pour l’Integration et le Developpement Durable au Burundi, AIDB
7. Association pour la Conservation et la Protection des Ecosystà ̈mes des Lacs et
l’Agriculture Durable
8. Attac Norway
9. Australian Food Sovereignty Alliance
10. Bangladesh Environmental Lawyers Association (BELA)
11. Bangladesh Nari Progati Sangha (BNPS)
12. Bolipara Nari Kalyan Somity (BNKS)
13. Centro de Documentación en Derechos Humanos « Segundo Montes Mozo S.J. » (CSMM)
14. COAST Foundation
15. Collectif des Associations pour le Développement
16. Collectif Pêche & développement
17. Consumers’ Association of Penang (Malaysia)
18. FIAN Sweden
19. FIAN Uganda

20. Food Sovereignty Alliance
21. FORUM SOCIAL SENEGALAIS
22. Freshwota Indigenous Council of Chiefs
23. Gambia Fisher Folk Association
24. Gaza Urban & Periurban Agriculture Platform (GUPAP)
25. Gestos
26. Global Justice Now
27. Gramya Resource Centre for Women (India)
28. Handelskampanjen
29. Hope and Destiny Employment Agency
30. Indonesia for Global Justice
31. Initiative foe Health and Equity in Society
32. Kesatuan Nelayan Tradisional Indonesia (KNTI)
33. KIARA (Koalisi Rakyat untuk Keadilan Perikanan)
34. Kikandwa Environmental Association (Uganda)
35. Kilusan para sa Repormang Agraryo at Katarungang Panlipunan (KATARUNGAN)
36. Malaysian Inshore Fishermen Association for Education and Welfare (JARING)
37. Masifundise
38. Mazingira Institute (Kenya)
39. MEPA
40. Nadi Ghati Morcha (India)
41. National Fisheries Solidarity Movement (Sri Lanka)
42. O Le Siosiomage Society Inc (Samoa)
43. Pakistan Fisherfolk Forum
44. RAPA
45. Rural Area Development Programme (RADP)
46. Sahabat Alam Malaysia (Friends of the Earth Malaysia)
47. Serikat Petani Indonesia
48. Sierra Leone Amalgamated Artisanal Fishermen’s Union
49. SRHINRWANDA
50. Vanuatu Environment Advocacy Network
51. Vanuatu Human Rights Coalition
52. Vanuatu Indigenous Land Defense Desk
53. Vanuatu Young Women for Change

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